1. Pourriez-vous nous parler du collège Anne Frank, ce ce qui le distingue des autres établissements ?
Historiquement, c’était une école de garçons. Le collège a été répertorié un temps en zone d'éducation prioritaire -- et puis le quartier s’est transformé. Aujourd’hui, il compte environ 480 élèves. Nous y accueillons une UP2A (Unité Pédagogique pour Élèves Allophones Arrivants) et une ULIS (unités localisées pour l'inclusion scolaire) « troubles des fonctions cognitives ». Cet établissement reste très ancré dans son territoire, dans la vie du quartier. Certains élèves le fréquentent alors que c’était déjà le collège de leurs parents. Les professeurs restent, il y a peu de turn-over… C’est un collège où il fait bon vivre.
2. D'où venez-vous et quel a été votre parcours ?
Je suis originaire de Metz, en Lorraine, et issue d’un milieu ouvrier. J’ai été surveillante d’externat pendant mes études – je suis la preuve que, lorsqu’on goûte à l’Éducation nationale, on ne la quitte jamais vraiment. Passionnée par l’histoire, je rêvais de devenir archéologue. Lors d’un stage, je me suis aperçue que mon rêve n’était pas aussi cinématographique que je l’imaginais. Après un passage par les archives pour mes travaux de recherche, j’ai compris que je n’étais pas plus faite pour parler à des documents qu’à de vieux objets : j’avais besoin d’échanges, de contact. Je suis donc passée à autre chose. Pour partager ma passion autrement, pour rendre également à l’école ce qu’elle m’a donné, j’ai passé le CAPES d’histoire-géographie.
J’ai ensuite beaucoup bougé : la Lorraine, l’académie de Versailles, Nice, différents types d'établissements, des collèges, des cités scolaires... À la fin des années 2000, je me suis interrogée sur mon engagement. En tant qu’enseignante, j’avais contribué à l’émancipation des élèves – un mot que j’aime beaucoup, soit dit en passant : élève, élever… – ; je me suis demandée comment aller plus loin. Ce n’est pas l’envie d’être « cheffe » qui m’a motivée, mais le désir de contribuer autrement à faire grandir les élèves. J’ai donc passé le concours de cheffe d’établissement.
Mon parcours a une cohérence : tout tourne autour de l’histoire, de l’éducation morale et civique. Ce n’est pas un hasard s’il y a autant de représentations de Marianne dans mon bureau ! Depuis 13 ans, je continue d’acquérir d’autres connaissances et compétences pour avoir une vision plus systémique de l’école. J’ai travaillé dans plusieurs établissements mais aussi à la CARDIE (Cellule Académique Recherche, Développement, Innovation et Expérimentation) du Rectorat, j’ai dirigé un centre SNU… Je trouve très intéressant de s’engager dans ce que l’Éducation nationale tente de mettre en place, avec une démarche de co-construction. Je suis dubitative face à ceux qui restent trop longtemps sur un même poste : au bout du compte on voit moins loin, on perd de la fraîcheur.
3. Qu'est-ce qui vous fait lever le matin ?
Au-delà de la transmission des savoirs, mon moteur est d’inculquer des savoir-être républicains. L’école est un formidable vecteur d’émancipation, d’égalité et de fraternité. Mon objectif est d’être au service de la communauté scolaire pour, encore une fois, aider les élèves à s’élever. J’aime également la dimension collective de mes fonctions, avec des personnes d’horizons divers : CPE, infirmières, psychologues... J’essaie de mettre en mouvement ce collectif, de faire en sorte qu’il n’y ait pas de couacs, si j’ose dire.
Ce qui est également réjouissant et enthousiasmant dans le métier de chef d’établissement, c’est que nous savons que nous ne resterons pas. Nous ne sommes que de passage. Nous sommes là pour apporter notre « parfum », pour reprendre l’expression d’un ancien collègue, pour laisser quelques traces, sans pour autant effacer celles des prédécesseurs.
4. Trouvez-vous que les élèves ont changé depuis vos débuts ?
Je ne les trouve pas plus durs, mais plus fragiles psychologiquement. Ils sont plus inquiets pour leur avenir – et pour l’avenir au sens large. Un nombre croissant d’élèves sont en souffrance. Ils ont donc besoin d’adultes solides, bien campés dans leur rôle. C’est particulièrement vrai ici, au collège Anne Frank, dans un 11ème arrondissement marqué par le contexte des attentats de 2015. Les personnels doivent les aider à devenir des adultes « assurés », en cordée, comme lorsque l’on gravit une montagne.
5. Que diriez-vous à un élève qui veut devenir enseignant ? Et à un enseignant qui souhaite devenir chef d’établissement ?
À un élève : de foncer et de croire en ses rêves. C’est le plus beau métier du monde. On apprend tous les jours, sur les élèves, sur soi, sur ses propres pratiques, on fait sans cesse de nouvelles découvertes. Contrairement à une idée largement rependue, on ne s’ennuie pas.
A un enseignant : qu’il n’a pas à s’inquiéter des aspects techniques du métier de principal, de proviseur. C’est une crainte souvent émise par les chefs d’établissement stagiaires : « Je ne maîtrise pas les outils, les logiciels, je ne connais pas PRONOTE, je n’y arriverai pas ». Mais c’est avant toute chose un métier de l’humain.
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Mise à jour : mars 2025