Missak Manouchian et Mélinée : un couple de résistants entre au Panthéon

La DAAC vous invite à participer à l’appel à projet consacré à l’«Entrée au Panthéon de Missak Manouchian» , résistant d’origine arménienne fusillé le 21 février 1944. Il sera inhumé au Panthéon aux côtés de sa femme Mélinée lors d’un hommage solennel à l'occasion des 80 ans de son exécution.

Un ouvrier apatride amoureux de la langue française

Né le 1er septembre 1906 dans une famille de paysans arménienne à Adiyaman (à l’est de l’actuelle Turquie), Missak perd ses parents à l’âge de 9 ans lors du génocide perpétré par le pouvoir ottoman.
Réfugié avec son frère dans un orphelinat au sein de l’actuel Liban (à l’époque sous mandat français), il arrive à Marseille en 1924 et apprend le métier de menuisier tout en se consacrant à la lecture et à l’écriture poétique. Licencié de l’usine Citroën pendant la crise économique, il se consacre à sa passion pour la littérature française. Il suit des cours en auditeur libre à la Sorbonne et fonde la revue littéraire Tchank (L’effort), qui paraît une année et sera remplacée par Machagouyt (Culture).

Le communisme chevillé au corps

Missak Manouchian adhère au Parti communiste en février 1934 et rejoint également la section française du Comité de secours de l’Arménie qui lui confère une place importante au sein de la communauté réfugiée en France. Il y rencontre sa future femme Mélinée dont les parents ont également péri dans le génocide en Turquie. Ils se marient en 1936 et seront tous deux liés à vie par cet engagement contre l’extrême-droite et la défense des droits de l’homme.
Missak intègre la Main d’œuvre immigrée (MOI), créée par le Parti communiste pour encadrer les réfugiés arrivés en France dès la fin de la Première Guerre mondiale. Il devient sous le pseudonyme de « Georges » le responsable politique de la section arménienne, entre la fin 1941 et le début 1942.

Un résistant dans Paris occupé

Il participe à sa première action armée le 17 mars 1943 à Levallois-Perret en attaquant à la grenade un groupe de soldats allemands. Nommé commissaire militaire de la région parisienne en août 1943, il a sous ses ordres une cinquantaine de militants qui mènent des opérations armées dont l’attentat contre le général allemand Julius Ritter, responsable en France de la réquisition de la main d’œuvre dans le cadre du Service du travail obligatoire.
Après une longue filature, Missak Manouchian est arrêté en région parisienne le 16 novembre 1943 par les brigades spéciales de la police française. Torturé, il est livré aux autorités allemandes avec vingt-deux de ses camarades.

L’affiche qui a fait rougir l’armée allemande

Les autorités d’occupation allemande organisent en février 1944 un procès très médiatisé, notamment par « l’Affiche rouge », qui vise à décrédibiliser l’action de ces résistants étrangers,  mais cette affiche placardée dans Paris produit l'effet contraire et suscite la sympathie d’une grande partie de l’opinion publique. Contre toute attente, elle devient l'emblème de l’héroïsme et du courage des hommes et des femmes qui ont sacrifié leur vie pour libérer la France. Missak Manouchian est condamné à mort et sera fusillé le 21 février 1944 au Mont-Valérien à Suresnes avec vingt-deux de ses camarades.
La dernière lettre de Missak à sa femme Mélinée, ci-dessous écrite de la prison de Fresnes le 21 février, ne fut envoyée à la famille que le 28 novembre 1944. Vous pouvez lire le texte ici dans son intégralité.

En 1955 Louis Aragon écrira le poème Strophes pour se souvenir en hommage aux immigrés résistants exécutés en s’inspirant de cette dernière lettre.

Strophes pour se souvenir

Vous n'avez réclamé la gloire ni les larmes
Ni l'orgue ni la prière aux agonisants
Onze ans déjà que cela passe vite onze ans
Vous vous étiez servi simplement de vos armes
La mort n'éblouit pas les yeux des Partisans

Vous aviez vos portraits sur les murs de nos villes
Noirs de barbe et de nuit hirsutes menaçants
L'affiche qui semblait une tache de sang
Parce qu'à prononcer vos noms sont difficiles
Y cherchait un effet de peur sur les passants

Nul ne semblait vous voir français de préférence
Les gens allaient sans yeux pour vous le jour durant
Mais à l'heure du couvre-feu des doigts errants
Avaient écrit sous vos photos MORTS POUR LA FRANCE
Et les mornes matins en étaient différents

Tout avait la couleur uniforme du givre
À la fin février pour vos derniers moments
Et c'est alors que l'un de vous dit calmement
Bonheur à tous Bonheur à ceux qui vont survivre
Je meurs sans haine en moi pour le peuple allemand

Adieu la peine et le plaisir Adieu les roses
Adieu la vie adieu la lumière et le vent
Marie-toi sois heureuse et pense à moi souvent
Toi qui vas demeurer dans la beauté des choses
Quand tout sera fini plus tard en Erivan


Un grand soleil d'hiver éclaire la colline
Que la nature est belle et que le coeur me fend
La justice viendra sur nos pas triomphants
Ma Mélinée ô mon amour mon orpheline
Et je te dis de vivre et d'avoir un enfant


Ils étaient vingt et trois quand les fusils fleurirent
Vingt et trois qui donnaient leur cœur avant le temps
Vingt et trois étrangers et nos frères pourtant
Vingt et trois amoureux de vivre à en mourir
Vingt et trois qui criaient la France en s'abattant.

Louis Aragon, Le Roman Inachevé

Des projets marquants en établissement

En EAC, de nombreuses pistes peuvent être explorées en interdisciplinarité en histoire, en français, en EMC, en arts plastiques et histoire des arts, en éducation musicale, etc. notamment sur les artistes et les œuvres qui ont honoré leur mémoire et celles de leurs camarades.
Si vous souhaitez valoriser des projets menés en classe autour de ce héros, vous pouvez les recenser sur Adage avant le 19 janvier 2024.
Plus d’infos sur Eduscol

Mise à jour : janvier 2024