Paroles d'auteurs
"Ma mère s’était absentée : pas un sourire, pas un signe de connivence, j’étais en exil. Et puis je ne reconnaissais pas son langage. Où prenait-elle cette assurance ? Au bout d’un instant j’avais compris : c’est le livre qui parlait. Des phrases en sortaient : c’étaient de vrais mille-pattes, elles grouillaient de syllabes et de lettres , étiraient leurs diphtongues, faisaient vibrer les double consonnes ; chantantes, nasales, coupées de pauses et de soupirs, riches en mots inconnus, elles s’enchaînaient d’elles-mêmes et de leurs méandres sans se soucier de moi : quelquefois elles disparaissaient avant que j’eusse pu les comprendre, d’autres fois j’avais compris d’avance et elles continuaient de rouler noblement vers leur fin sans me faire grâce d’une virgule."
Jean-Paul Sartre: Les mots
"A l'école, Luce est une élève. Mais elle n'appartient pas. Reliée à personne : ni à ses condisciples, ni à Mademoiselle Solange, l'institutrice. Elle a passé alliance avec les murs dont elle connait le fendillement, la couleur (...). Dès que les paroles claires de Mademoiselle Solange menacent de pénétrer à l'intérieur d'elle, là où toute chose pourrait se comprendre, elle fuit. (...) Entre les grains usés, presque une poussière, elle a sa place. Elle fait mur. Aucun savoir n'entrera. L'école ne l'aura pas."
Jeanne Benameur: Les demeurées